martes, 18 de marzo de 2008

Récits inspirés sur "le fils du berger" de Jean Claude Chabrol

Boniface

Boniface est né dans un petit village, juste quelques maisons, près d'Avignon. Quand sa mère accoucha de lui, elle était toute seule dans la pauvre maison qu'elle habitait avec son mari. Elle a commencé à subir des douleurs tandis qu'elle préparait le repas et n'a pas pu bouger; Boniface est né brutalement, en une seconde, et il est tombé près du charbon, à côté du foyer. Alors, quand sa mère a pu l'avoir dans ses mains, elle a dû nettoyer son fils du noir vêtement qui le couvrait.

Son père était un des ouvriers travaillant pour un riche propriétaire, et Boniface a connu depuis ses premiers jours le silence et l'amertume de ses parents. Il observait et ne disait rien, chaque fois que son père revenait à la maison épuisé, murmurant des mots contre son patron, tandis que sa femme ne souriait jamais.

Quand Boniface a commencé à aller à l'école, il a connu un monde différent, car on devait marcher presque deux kilomètres pour arriver au village où l'école se trouvait. Là Boniface, toujours silencieux, observait, apprenait, connaissait d'autres réalités, d'autres enfants. Boniface les écoutait et imaginait un monde si différent, où l'on avait ce qu'on pouvait désirer, où les gens souriaient et semblaient être heureux.

À côté de sa salle de classe se trouvait celle des filles. Boniface éprouvait une émotion inconnue en les voyant, mais ses yeux et puis son cœur allaient toujours vers une petite fille boiteuse qui ne jouait presque jamais avec les autres. C'était une fille timide, silencieuse comme lui même, blonde, avec des yeux tristes, toujours habillé en blanc.

Il aimait ce petite fille sans savoir qu'il l'aimait, sans savoir ce qui est aimer. Pourtant ils ne se sont jamais parlé.

Le temps passait. Boniface montrait des attitudes pour le chant, et le prêtre du village, qui était aussi professeur, lui a proposé d'entrer dans son chœur. Quand Boniface l'a raconté chez lui, son père s'est immédiatement opposé, mais pour l'unique fois, l'enfant a protesté et son père, surpris, le lui a finalement permis.

Peu à peu, le prêtre a influencé l'enfant et, avec les temps, Boniface a commencé à penser à entrer au Séminaire. Ses parents ont vu cela comme la seule chance de *leur enfant pour sortir du cercle maudit où ils se trouvaient.

Dans l'esprit de Boniface, deux forces luttaient: d'un côté, derrière son éternel silence, il y avait un adolescent qui voulait changer totalement la vie qu'il avait connue, qui rejetait d'obéir comme son père, qui voulait tourner son destin. Et d'autre côté, sa pensée, ses rêves, tournaient encore à la petite fille, aujourd'hui une jeune qu'il voyait déjà très peu, et qu'un jour a disparu définitivement de l'école. Ce mois d'automne où l'année commençait et elle n'était plus là, Boniface a déclaré son désir d'aller au Séminaire.

les années passèrent et Boniface fut ordonné prêtre. Mais il n'a point trouvé le bonheur qu'il désirait. De village en village, il vivait entre le désespoir et la triste réalité de sa solitude, la distance que son métier créait entre lui et les autres. En même temps, son cœur froid n'oubliait jamais cette fille de l'école à laquelle il n'a jamais revu, mais dont l'image et le désir ne l'ont jamais abandonné. Sa vie restait toujours égale, toujours monotone, et un jour il a pris la première bouteille qui l'a aidé à oublier, à descendre vers le sommeil provoqué, a mourir un peu.

Un jour, il ne s'est plus éveillé; il est resté sur son lit, la bouteille à la main, les yeux fixés en haut, rêvant peut-être d'une vie pas si noire, d'une autre vie déjà impossible.


C.V.G


Albert


-Demain on a la réunion avec les américains, on va réussir! N'oublie pas d'apporter le dossier. Et puis, la semaine prochaine nous irons à New York, ma sécrétaire a déjà réservé au même hôtel du mois dernier. Je crois que les chiffres de cette année vont être bien supérieures à celles de l'autre directeur adjoint, tu dois être heureux!

Albert Dupont a fait un geste et n'a rien dit. Son collègue l'a fixé des yeux.

-Veux-tu venir prendre un verre?

-J'ai encore à signer quelques papiers.

-À demain, alors!

La porte s'est fermée et Albert est resté seul. Les bureaux étaient déjà vides, comme toujours à 20 heures du soir. Il leva la tête et soupira profondément. On entendait, sous le silence, des portes lointaines qui s'ouvraient au rythme des nettoyeuses, l'exceptionnel mouvement d'un élévateur, la respiration presque inaudible des ordinateurs, et à travers la fenêtre, vingt étages là bas, la ville, les voitures, les autobus, les gens rentrant du travail ou sortant dîner au restaurant, les vagabonds cherchant un lieu pour passer la nuit. Albert écoutait, les yeux fermés, un subtil tremblement sur son front. Il a ouvert les yeux et les a posé sur sa table. Il a pris son stylo en or et a commencé a signer des documents. Puis il s'est arrêté. D'autres documents attendaient, près de son porte-documents en cuir. Il a enlevé ses lunettes et a laissé tomber sa tête dans ses mains. Un des appareils de téléphone s'est mis à sonner. Albert l'a regardé mais il n'a pas bougé. Après quelques instants le silence est revenu. Lentement, il s'est levé, a mis sa veste et est sorti du bureau. Un peu plus tard, sa grande voiture aux vitres noirs sortait du garage.

À la gare du Nord, l'agitation était grande. Beaucoup de gens attendait les trains et Albert marchait presque inaperçu. Quand, le matin, il avait rempli sa petite valise avec ce qu'il avait considéré nécessaire pour sa fuite, il n'avait pas cru qu'il en serait capable. Maintenant, le train sur le point d'arriver, il semblait tranquille.

* * *

-Grand-père, raconte-moi une autre fois ton histoire, va, s'il te plaît, raconte-le moi...

-Mais je te l'ai raconté trois fois aujourd'hui...

-La dernière! La dernière!

Albert a sourit. Il a inspiré comme pour chanter, après il a commencé son récit.

-Il y a beaucoup d'années, c'est-à-dire, quand tu n'étais pas né...

-Ni papa?

-Ton papa non plus, pas encore.

-Alors, c'était la préhistoire?

Albert a rit et immédiatement il a subi un accès de toux. Quand il a repris la voix, il a dit:

-Mais comment la préhistoire?

-Moi, je l'ai appris ce matin à l’école.

-Eh bien... Ce n'était pas la préhistoire, bien que... oui, peut-être, mon chéri. De toute façon, il y a beaucoup d'années.

L'enfant, monté sur les jambes de son grand-père, écoutait attentivement. Quelques instants après, il a remué le bras de l'ancien, qui s'était perdu, la vue dans le lointain.

-Oui, mon chéri, je suis là. Je pensais, c'est tout, pour mieux te le raconter. Alors, écoute-moi; il y a très longtemps, je suis parti un jour à la campagne. Là, j'ai pris un tout petit terrain...

Et Albert a raconté sa petite histoire, ce jour où il a rompu avec son passé, a pris le train pour le plus petit village et a commencé une vie nouvelle avec quelques animaux et un peu de terre. Pendant qu'il racontait, ces années passaient pour sa mémoire comme un film, le soleil, la pluie, les grains, les outils, les mains endurcies par le travail, ces années qui voulaient être une vie nouvelle et qui n'ont été qu'une période de trois printemps avant qu'Albert revienne à son bureau, plus vieux, plus tranquille, plus savant.

C.V.G.

Le directeur adjoint

Le réveil sonne chaque jour plus tôt.


C'est la fatigue qui arrive juste au moment où on se rend compte de tout ce qu'on doit faire le matin. Ces affaires qu'il n'a jamais voulu résoudre n'importe comment. Aujourd'hui il devrait communiquer aux nouveaux employés qu'ils doivent quitter l'entreprise et aller s’inscrire dans une bourse du travail ; au dernier bilan les comptes ont été négatifs. Cela est très embarrassant pour lui, très attaché à ces gens qui ont très bien travaillé avec lui.


Monsieur Barbarin n'est plus un jeune mais...


Autrefois, lorsqu'il venait d’être embauché, il se levait de bon matin, heureux d'avoir trouvé son boulot dans une usine si grande et si moderne. Cela lui semblait formidable que sa famille -qui avait payé ses études- lui ait inculqué l'idée que pour y réussir sa vie il fallait aller toujours plus haut, plus loin et jusqu'au bout.


Il n'avait pas réfléchi au bon moment lorsqu’il gérait sa vie tel qu'on lui avait appris; et le temps s’est écoulé très vite à son insu. À présent il est trop fatigué pour changer, et il laisse agir sa vie comme s'il était un autre moteur...


Le bruit perpétuel, la vitesse des machines des ateliers à coté de son bureau l'empêchent de penser à tout autre chose qu'à son travail qui devient de plus en plus embêtant.


Voilà le songe qui s’est achevé brusquement d'un coup de sonnette: il rêve d’un jeune home face à l'orchestre de sa ville -qu'il a quittée il y à déjà trente ans- habillé en noir, souple et maigre, aux cheveux longs qui ondoient au mouvement de ses mains légères, où la baguette aide à diriger l’ensemble des musiciens qui le suivent attentivement.


Il est finalement devenu chef d'orchestre, et même ses parents sont contents en l’écoutant.

Il se plaisait à marcher en montagne tous les week-end avec ses copains, jouer au tennis, rester la plupart du temps au grand air car le reste des jours de la semaine il jouait de son instrument et étudiait ses leçons de musique.


Malheureusement son père est décède quand il était âgé de quinze et a fallu travailler en dehors de sa ville pour toucher un bon salaire et aider sa famille.


La nouvelle entreprise qu'à ce moment venait de s'installer avait besoin d'ouvriers et il a été facile d'être embauché ; son amour pour la musique a dû être oublié.


Maintenant ce gros bonhomme marchant lentement et tout près de sa retraite hésite sur ce qu'il est, et sur ce qu'il veut vraiment faire des années à venir.


C.M.G




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